mardi 27 décembre 2016

Ludwigsburg 27 décembre 1942: 3ème Noël de captivité - Ludwigsburg December 27, 1942 3rd Christmas in captivity



Le dernier Noël que Georges passa en captivité (il fut libéré par la relève en juillet 1943) - Lettre n°150 écrite à sa femme Nany le 27 décembre 1942
"Nany chérie. Voici encore une fois les fêtes de Noël passées loin de toi et, si nous avons fait réveillon et passé les jours de fête le mieux possible, notre gaité était un peu forcée car il manquait le principal pour nous réjouir pleinement. La veille de Noël j’ai reçu ta lettre du 14 dans laquelle tu m’annonçais l’arrivée de 5 trains et, comme tu ne me signales aucune arrivée de compiégnois, j’en ai déduit que c’était là la cause principale de ce grand cafard qui t’a assailli au retour du centre d’accueil. Pauvre petite chérie, comme ce doit être dur parfois de voir rentrer tant de prisonniers et de ne jamais voir revenir celui que tu attendais. Heureusement que la foi t’aide à supporter cette épreuve et que tu gardes comme moi entière confiance en l’avenir. A la messe de minuit (car nous avons eu une vraie messe de minuit) j’ai bien songé à toi et à notre foyer, mais pourquoi te le répéter puisque toutes mes pensées vont vers toi et nos seuls désirs sont de voir notre foyer reconstitué et tous ceux que j’aime en bonne santé. Ce matin j’ai été comme chaque dimanche à la messe de communion et ensuite j’ai passé la presque totalité de la journée avec mes camarades de mon 1er kommando qui partira avec la relève. J’ai reçu aussi une carte de Maurice [1] et je lui répondrai incessamment. Pour moi tout va bien, le moral reste bon et je profite au mieux de mes vacances. Je regretterai même peut-être de ne pas être malade à mon retour…..car ce doit être bien agréable de se laisser soigner par une charmante infirmière comme toi. Surtout soigne bien tes malades afin que je retrouve Papa en bonne santé et reçois chère petite femme les milliers de baisers de ton mari qui t’adore.
Georges"

[1] Maurice était son jeune frère, Lieutenant au 3ème Régiment du Tchad, qui plus tard rejoignit la
 2ème Division Blindée du Général Leclerc


The last Christmas that Georges spent in captivity (he was released by the relief in July 1943) - Letter n°150 written to his wife Nany on December 27,1942.
"Nany, darling. Here again are the Christmas holidays spent away from you and, if we had a Christmas Eve and spent the holidays as well as possible, our joy was a little forced because the main thing was missing to make us fully happy. On Christmas Eve I received your letter of the 14th in which you announced the arrival of 5 trains and, as you do not report any arrival of compiegnois to me, I deduced that this was the main cause of the great cockroach that attacked you when you returned from the reception centre. Poor little darling, how hard it must be sometimes to see so many prisoners come in and never see the one you expected come back. Fortunately, faith helps you to bear this ordeal and you, like me, have full confidence in the future. At the midnight mass (because we had a real midnight mass) I thought about you and our home, but why repeat it to you since all my thoughts go to you and our only desire is to see our home restored and all those I love in good health. This morning I was like every Sunday at the communion mass and then I spent most of the day with my comrades from my first kommando who will leave with the next generation. I also received a card from Maurice[1] and I will answer him shortly. For me everything is fine, the morale remains good and I am making the most of my holidays. I may even regret not being sick when I return.............................................................. because it must be very pleasant to be treated by a charming nurse like you. Above all, take good care of your patients so that I can find Daddy in good health and receive, dear little woman, the thousands of kisses from your husband who loves you.
Georges"

1] Maurice was his younger brother, Lieutenant in the 3rd March Regiment of Chad who later joined General Leclerc's 2nd Armoured Division.


 

lundi 26 décembre 2016

Giengen 1941: 2ème Noël de captivité - 2nd Christmas in captivity



Voici ce qu'écrivit Georges dans son carnet intime le 25 décembre 1941, sous la forme d’une lettre à sa femme.

"Noël 1941  - Petite chérie – Je ne suis encore pas bien éveillé car nous n’avons pas été sérieux du tout cette nuit. Nous avons passé le réveillon avec les camarades et la petite fête s’est prolongée jusque 4h½  du matin. Heureusement que nous avons 4 jours pour nous remettre de nos émotions. Notre réveillon de prisonniers était un bien triste réveillon si on le compare à ceux de chez nous, mais pour nous ce fut tout de même quelque chose de très bien, la gaité régnait parmi nous et nous avons eu moins le cafard que si nous étions allés nous coucher comme les autres soirs. Petite Nany que j’adore, je m’excuse ce matin de ne pouvoir exprimer clairement ce que je pense et ce que ressens, pourtant ce ne sont pas les vapeurs de l’alcool qui m’altèrent le cerveau car le dit alcool était absent de nos agapes d’hier soir et de ce matin. (Puisqu’on parle d’alcool je te signale que pour la 1ère fois depuis que je suis ici, je déguste en ce moment un petit verre de cette boisson pernicieuse et que cela me semble bon). Voyons un peu veux-tu ce que fut notre petite fête d’hier soir. Après le repas comme d’habitude vers les 7 heures du soir, nous avions passé une soirée normale de dimanche, c'est-à-dire lecture ou jeux divers. Peu avant minuit la table était dressée (pauvre table si peu garnie !!!) et le petit sapin prêt à l’embrasement. Minuit. Toutes lumières éteintes à l’exception des 10 bougies de l’arbre nous avons chanté en chœur. Ce ne fut pas bien beau mais le cœur y était et c’est tout ce qu’il fallait. « Minuit chrétien ». « Mon beau sapin ». « Montagnes Pyrénées »  furent ainsi exécutées par notre petite chorale improvisée devant le sapin tout scintillant de ses lumières et des mille reflets de ses boules de verre. Puis la lumière fut rallumée et notre festin commença. Je ne t’en donne pas le menu car tu en aurais l’eau à la bouche mais je fais une mention spéciale pour les gâteaux offerts par notre patron et pour la bière qui coula à flots (pas moins de 50 bouteilles). Après avoir fumé force pipes, cigares et cigarettes, et discuté sur des sujets divers nous nous sommes mis à jouer au bouchon et à ce moment nous avons un peu oublié que nous étions prisonniers. Cela nous mena bien avant dans la nuit et, la partie terminée, nous étions tous barbouillés de suie et l’effet était vraiment irrésistible. Après un bon débarbouillage nous avons fait une partie de petits paquets, puis une 2ème et pour finir, une partie de petits paquets où les enjeux étaient des biscuits et des pommes. Enfin, à 4h½ comme le sommeil se faisait sentir, nous avons enfin daigné nous coucher, assez contents de notre petite soirée mais espérant que le prochain réveillon serait bien plus beau encore au milieu des nôtres.


J’avais compté petite chérie qu’étant de retour à la baraque j’aurais pu continuer mes bavardages, mais un changement de programme imprévu m’en a complètement empêché et c’est aujourd’hui 26 décembre, toujours au restaurant que je poursuis mon carnet de notes. Hier, lorsque nous étions en train de manger (à midi) un camarade d’un autre kommando est venu nous inviter à assister à une séance récréative organisée dans un 3ème kommando de Giengen. Comme les occasions de se distraire sont rares et les occasions de se voir entre camarades le sont aussi, nous avons sauté sur l’occasion et c’est ainsi qu’encore une fois j’ai froidement laissé tomber ma petite femme que pourtant j’adore de tout mon cœur. L’après-midi se passa fort agréablement et c’est dommage qu’elle se termina si brutalement à cause d’un civil complètement ivre qui remplaçait deux gardiens en permission. Je passe sur cet incident regrettable pour te donner un petit compte rendu de cette soirée de gala. Le kommando qui nous avait invités est un kommando récemment formé comme le nôtre. Ils sont une vingtaine et travaillent à la construction d’une usine d’aviation. Leur local est assez spacieux et grâce à l’amabilité de leur dirigeant, ils avaient pu installer une scène avec rideaux, jeux de lumières et décors. C’était très réussi, vu le peu de moyens dont ils disposaient. Les artistes n’avaient rien à envier vraiment aux professionnels. Chansons comiques, tristes ou sentimentales, sketches, danses, duos, chorales, je ne pourrais t’énumérer en détail quel fut le programme mais tous nous étions étonné du résultat d’un mois seulement de travail. Avec regret et non sans les avoir félicité, nous avons dû quitter nos camarades comédiens d’occasion avant la fin de la séance et nous espérons que bientôt nous serons invités à nouveau pour venir nous distraire un instant et que….nous serons gardés par un homme sain de corps et d’esprit.
Je ne veux pas petite chérie te parler encore de nos activités de la semaine écoulée car il n’y a rien de changé à nos occupations de chaque jour. Je n’ai pas encore eu de courrier et j’attends avec impatience une lettre de ma petite femme adorée. Sais-tu petite chérie que tu es près de moi maintenant durant mon sommeil et que tu me regardes dormir, toujours avec ce sourire que j’aime tant et que j’aspire à contempler bien vite autrement qu’en photo. J’ai en effet fabriqué avec de l’aluminium, du mica et du carton, un petit cadre (assez bien réussi d’ailleurs) et je l’ai accroché à côté de mon lit, afin de pouvoir toujours, dès le réveil, contempler ton sourire et te sentir près de moi. Petite Nany que j’adore je me sens encore bien triste en ces jours de Noël si loin de toi et de tous et je voudrais ici te redire toute ma tendresse et tout mon amour. Tu sais petite chérie combien je t’aime et je sais aussi toute la force de ton amour pour moi, et cela aussi me donne parfois encore un peu plus de cafard. Quand donc, mon grand amour, serons-nous à nouveau réunis et profiterons nous enfin un peu de tout le bonheur qui nous attend dans notre petit chez nous. Je te quitte quelques instants petite chérie car il est déjà 10 heures et les camarades attendent au lit leur petit déjeuner."

Here is what Georges wrote in his personal notebook on December 25, 1941, in the form of a letter to his wife.

"Christmas 1941 - Little darling - I'm not awake yet because we weren't serious at all last night. We spent New Year's Eve with the comrades and the little celebration continued until 4h½ in the morning. Fortunately, we have four days to recover from our emotions. Our prisoner's New Year's Eve was a very sad one compared to those at home, but for us it was still something very good, cheerfulness reigned among us and we were less down in the dumps than if we had gone to bed like the other nights. Little Nany whom I love, I apologize this morning for not being able to express clearly what I think and what I feel, yet it is not the vapours of alcohol that alter my brain because the said alcohol was absent from our agape last night and this morning (Since we are talking about alcohol I would like to point out that for the first time since I have been here, I am currently enjoying a small glass of this pernicious drink and that it seems good to me). Let's see what our little party was like last night. After the meal as usual around 7pm, we had a normal Sunday evening, i.e. reading or various games. Shortly before midnight the table was set up (poor table so little furnished!!!!!) and the small tree ready for the fire. Midnight. All lights out except for the 10 candles on the tree we sang in chorus. It wasn't very beautiful but the heart was there and that's all it took. "Christian midnight." "My beautiful tree." "Pyrenean Mountains" were thus performed by our small improvised choir in front of the fir tree, shimmering with its lights and the thousand reflections of its glass balls. Then the light was turned on again and our feast began. I don't give you the menu because it would make your mouth water, but I make a special mention for the cakes offered by our boss[1] and for the beer that flowed freely (no less than 50 bottles). After smoking pipes, cigars and cigarettes, and discussing various subjects, we started to play with the cork and at that moment we forgot a little bit that we were prisoners. This took us well into the night before and, at the end of the game, we were all soot-soaked and the effect was really irresistible. After a good washing-up we made a part of small packages, then a 2nd and finally, a part of small packages where the stakes were cookies and apples. Finally, at 4h½ as the sleep was felt, we finally deigned to go to bed, quite happy with our little evening but hoping that the next Christmas Eve would be even more beautiful in the middle of ours.


I had expected little darling that when I got back to the barracks I could have continued my chatter, but an unexpected change of program completely prevented me from doing so and it is today, December 26, still in the restaurant that I am continuing my notebook. Yesterday, when we were eating (at noon) a comrade from another kommando came to invite us to attend a recreational session organized in a 3rd kommando in Giengen. As opportunities for entertainment are rare and opportunities to see each other are rare, we jumped at the opportunity and that's how I once again coldly let down my little wife whom I love with all my heart. The afternoon went very well and it is a pity that it ended so abruptly because of a completely drunk civilian replacing two guards on leave. I pass on this unfortunate incident to give you a little report of this gala evening. The kommando who invited us is a newly formed kommando like ours. There are about 20 of them working on the construction of an aviation plant. Their premises are quite spacious and thanks to the kindness of their manager, they were able to set up a stage with curtains, lights and sets. It was very successful, given the limited means at their disposal. The artists had nothing to envy the professionals. Comic, sad or sentimental songs, sketches, dances, duets, choirs, I couldn't list in detail what the program was, but we were all surprised by the result of only one month's work. With regret and not without congratulating them, we had to leave our fellow second-hand actors before the end of the session and we hope that soon we will be invited again to come and entertain ourselves for a moment and that... we will be kept by a man of sound body and mind.
I don't want to talk to you again about our activities over the past week because there's nothing changed in our daily activities. I haven't had any mail yet and I've been"



Livret militaire - Fascicule de Mobilisation