Georges, mon père changea trois fois de patrons lorsqu’il était
« cultivateur » dans ce kommando de Bissingen. Le dernier patron
était une femme, Johanna, dont le mari avait été envoyé combattre en Russie.
Femme de tempérament qui exigeait beaucoup de travail et qui était souvent
insatisfaite du travail que mon père faisait, à tel point que ce dernier, bien
que d’une patience extraordinaire et d’un self-control que je n’avais jamais vu
pris en défaut, l’engueula un jour ouvertement parce qu'il refusait de faire le
travail qu'elle lui demandait alors qu'il était 20 heures. Elle était coutumière
du fait et mon père rentrait assez souvent à la baraque vers 22 heures, alors
que la journée des prisonniers commençait vers 7 heures. Les relations
entre-eux s’envenimèrent, et un jour la pression était tellement forte que mon
père s'emporta. Il avait été mis en retard par une fouille impromptue de la
baraque et quand il arriva à 11h15 elle refusa de lui donner à manger avant de
prendre le travail. Mon père qui avait le ventre vide depuis la veille refusa
de travailler et exigea de manger. Devant son refus catégorique, il reparti à
la baraque et alla chercher l'adjudant qui avait mené la fouille. Cet adjudant
prit fait et cause pour mon père, sachant le travail qu’il abattait dans une
journée et surtout que son retard était causé par la fouille, et engueula
vertement la femme qui fulminait au "garde à vous" sans pouvoir rien
dire. Après cette altercation Johanna dit à mon père qu’il était
« vielschlecht » que l’on peut traduire par très méchant, mais le
laissa un peu plus tranquille.
La petite anecdote qui faisait rire mon père est qu'un gardien était la plupart du temps à la ferme, non pour surveiller mon père, mais pour être avec Johanna qui était bien esseulée avec ses trois enfants. Mon père n’était pas dupe d'avoir toujours ce gardien dans les pattes, il écrivit simplement à ma mère que si elle faisait la même chose que Johanna, il serait très en colère. Car bien sûr il vécut aussi la souffrance de certains de ses camarades dont le couple ne résista pas à cette époque troublée.
Lorsqu’au matin du 25 octobre 1941, à 6 heures précisément un soldat vint chercher mon père pour aller dans un autre kommando, et que tous deux ils allèrent prévenir Johanna avant de prendre le train, celle-ci ne voulait pas laisser partir mon père et l’agrippait en pleurant, en lui embrassant les mains, en essayant de le retenir, à tel point que le pauvre soldat eut bien du mal à extirper mon père des mains de Johanna.
La petite anecdote qui faisait rire mon père est qu'un gardien était la plupart du temps à la ferme, non pour surveiller mon père, mais pour être avec Johanna qui était bien esseulée avec ses trois enfants. Mon père n’était pas dupe d'avoir toujours ce gardien dans les pattes, il écrivit simplement à ma mère que si elle faisait la même chose que Johanna, il serait très en colère. Car bien sûr il vécut aussi la souffrance de certains de ses camarades dont le couple ne résista pas à cette époque troublée.
Lorsqu’au matin du 25 octobre 1941, à 6 heures précisément un soldat vint chercher mon père pour aller dans un autre kommando, et que tous deux ils allèrent prévenir Johanna avant de prendre le train, celle-ci ne voulait pas laisser partir mon père et l’agrippait en pleurant, en lui embrassant les mains, en essayant de le retenir, à tel point que le pauvre soldat eut bien du mal à extirper mon père des mains de Johanna.
Lorsque vingt-quatre ans plus tard mon père retourna en Allemagne pour
revoir les endroits où il avait passé ces trois ans de captivité, il revit
Johanna, qui le reconnut sans qu’il ait dit un mot. J’étais là, j’avais treize
ans et ce moment fut très émouvant pour moi. Je ne peux qu’imaginer la force
des émotions que mon père vécut ce jour d’août 1965 lorsqu’il se retrouva face
à Johanna et que stupéfaite autant que lui, le regardant, elle dit dans un
souffle en le revoyant si longtemps après: « Georg ! ».
Georges, my father changed bosses three times when he was a
"farmer" in this kommando in Bissingen. The last boss was a woman,
Johanna, whose husband had been sent to fight in Russia. A woman of temperament
who required a lot of work and who was often dissatisfied with the work my
father did, to such an extent that he, although with extraordinary patience and
self-control that I had never seen him fail, yelled at her one day openly
because he refused to do the work she asked him to do when it was 8 p.m. It was
customary because of this and my father would often return to the barracks
around 10 p.m., while the prisoners' day started around 7 a.m. Relationships
between them grew worse, and one day the pressure was so great that my father
got carried away. He had been delayed by an impromptu search of the barracks
and when he arrived at 11:15 a.m. she refused to give him food before taking
the job. My father, who had been hungry since the day before, refused to work
and demanded to eat. When he categorically refused, he went back to the
barracks and went to get the warrant officer who had conducted the search. This
warrant officer took up the cause of my father, knowing the work he was doing
in a day and especially that his delay was caused by the search, and shouted
harshly at the woman who was fulminating at the "attention to you"
without being able to say anything. After this altercation Johanna told my
father that he was "vielschlecht", which can be translated as very
mean, but left him a little more alone.
The little anecdote that made my father laugh is that a guard was most of
the time on the farm, not to watch over my father, but to be with Johanna who
was well alone with her three children. My father was not fooled by having this
guard around all the time, he just wrote to my mother that if she did the same
thing as Johanna, he would be very angry. For of course he also experienced the
suffering of some of his comrades whose couple could not resist at that
troubled time.
When on the morning of October 25, 1941, at precisely 6:00 a.m., a soldier
came to pick up my father and go to another kommando, and they both went to
warn Johanna before taking the train, she did not want to let my father go and
grabbed him by crying, kissing his hands, trying to hold him back, so much so
that the poor soldier had great difficulty getting my father out of Johanna's
hands.
Johanna et Georges août 1941 - Photo prise par le gardien |
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