Dans une lettre envoyée à ma mère, alors qu’il était « valet de
ferme » à Bissingen, mon père évoque sa défroque de paysan :
« …….voyons un peu comment se présente aux yeux des habitants de notre
charmante villégiature, le prisonnier de guerre N°24161 – Petite chérie je suis
certain que tu ne reconnaitrais pas ton mari dans ses défroques de travail –
Sur la tête j’ai toujours le calot mais avec les bords rabattus sur les
oreilles afin de ne pas avoir froid – Sur le dos j’ai une superbe veste en
toile grise avec au moins 20 à 25 pièces cousues en tous sens, comme elle est
un peu étroite au-dessus de mes chandails elle a un peu éclaté aux manches et
dans le dos mais cela n’a aucune importance car ici l’élégance n’est pas
obligatoire – La partie basse du dit prisonnier est affublée d’un pantalon de
toile bleu aux bas effrangés et dont la fesse droite est complètement en
lambeaux – Aux pieds, j’ai de superbes chaussures un petit peu étroites car ce
n’est que du........ 46, et moi qui ne chausse que du 41, je suis obligé de
mettre 2 paires de chaussettes de laine et de très grosses semelles de drap et
de carton – Enfin, aux mains, j’ai de superbes moufles en toile de sac, et ces
moufles, comme tous les équipements des paysans sont bordées de pièces de
toutes couleurs et de tous tissus – J’ai tout à fait l’air d’un clochard et
parfois je ne peux m’empêcher de sourire en songeant au grotesque de mon
déguisement ».
Mon père garda ses chaussures de taille 46 pendant plusieurs mois avant
que les autorités Allemandes lui donnent d’authentiques sabots de bois. Ces
chaussures étaient un handicap quand il devait travailler dans la boue, car
bien trop grandes, elles avaient la fâcheuse tendance de rester collées au sol
quand il essayait de se déplacer. Lorsqu’il eut ses sabots, il les garda même
lorsqu’il fut transféré à Giengen et il allait tous les jours travailler à
l’usine en sabots, jusqu’à ce qu’une situation hivernale lui fasse abandonner
le port de ces chausses, anecdote que je raconterai plus tard.
In a letter sent to my mother,
when he was a "farm hand" in Bissingen, my father mentions his
defrocked peasant:".........Let's
see how the inhabitants of our charming resort look like, the prisoner of war
N°24161 - Little darling I'm sure you wouldn't recognize your husband in his
work clothes - On my head I still have the cap but with the edges folded over
my ears so as not to be cold - On my back I have a superb grey canvas jacket
with at least 20 to 25 pieces sewn in all directions, as it is a little narrow
above my sweaters it has a little burst at the sleeves and in the back but that
doesn't matter because here elegance is not mandatory - The lower part of the
said prisoner is wearing blue canvas pants with slender stockings and whose
right buttock is completely in tatters - At the feet, I have beautiful shoes a
little narrow because it is only........ 46 (11 UK – 12 US), and I, who only
wears size 41 (7 UK – 8 US), am obliged to wear 2 pairs of wool socks and very
large soles of cloth and cardboard - Finally, in my hands, I have superb
mittens made of bag cloth, and these mittens, like all the farmers' equipment
are lined with pieces of all colours and fabrics - I look quite like a tramp
and sometimes I can't help but smile when I think of the grotesque of my
costume”.
My father kept his size 46
shoes for several months before the German authorities gave him authentic sabots.
These too large shoes were a handicap when he had to work in the mud, because
they were too big, they had the unfortunate tendency to stick to the ground
when he tried to move. When he had his hooves, he kept them even when he was
transferred to Giengen and went to work every day at the factory in hooves,
until a winter situation made him abandon the wearing of these wooden shoes, an
anecdote that I will tell later.
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