samedi 12 mars 2016

Bissingen - Rébellion (le cas Johanna) - Rebellion (the Johanna case)



Avec sa troisième patronne, Johanna, les relations furent parfois très tendues. Ainsi que je l’ai déjà raconté, un dimanche Johanna dit à mon père d’aller travailler au champ l’après-midi et mon père refusa. Ce premier incident n’était que les prémisses de ceux qui survinrent régulièrement : « Ma vie chez ma nouvelle patronne est beaucoup plus mouvementée qu’avant et je dois presque tous les soirs discuter et même crier pour rentrer à la baraque à l’heure prescrite. Avant hier soir elle m’a envoyé ramasser des pommes de terre à 8 Heures du soir et je ne suis rentré qu’à 10 Heures. Je lui ai fait comprendre... à ma façon que ce n’était pas du tout de mon goût et comme hier soir à l’heure de rentrer elle voulait encore me faire nettoyer l’étable des cochons, j’ai refusé tout net et je suis venu me laver les mains et attendre le café comme chaque soir. Naturellement elle m’a menacé de toutes les catastrophes possibles et imaginables mais comme je lui ai dis que cela m’était égal, elle n’a pas insisté et m’a servi le café – Cela m’ennuie de devoir toujours discuter et chamailler mais tu sais aussi que je suis très têtu et comme j’ai décidé de rentrer à l’heure le soir (15 Heures de travail par jour c’est bien suffisant) je tiendrai tête jusqu’au bout ».

« Cette semaine j’ai encore eu de grandes discussions avec ma patronne au sujet du travail – Un matin, sans savoir ce que j’avais fait comme travail elle s’est mise à hurler que j’avais été trop longtemps pour faucher et qu’elle allait se plaindre au gardien – Je lui ai répondu calmement et puis....un peu plus....violemment que je faisais ce que je pouvais, qu’elle pouvait dire tout ce qu’elle voulait au gardien et que si elle n’était pas contente je n’irai plus faucher – Ensuite nous avons été voir mon travail et elle a dû se rendre à l’évidence que je ne m’étais pas amusé – Je l’ai obligé à me dire que j’avais assez travaillé, et elle était très vexée et je lui ai à nouveau redit que si elle « gueulait » encore comme cela, je n’irais plus faucher et qu’elle le ferait seule – J’en ai assez de cette vie de forçat et j’attends avec combien d’impatience le retour à une vie plus normale »

« La tension entre moi et ma patronne a légèrement diminuée mais ce n’est pas encore le « grand amour » et je lui ai dit la semaine dernière que si j’avais une femme aussi énervée qu’elle je la déculotterai pour lui administrer une bonne correction ou je lui mettrais un seau d’eau froide à la figure – Cela a fait rire le gardien (…) mais elle n’a fait que rire jaune et m’a dit que j’étais « vielschlecht » («Très mauvais» ).

Le dernière altercation qu’ils eurent se passa quelques temps avant que mon père ne soit transféré dans un autre kommando à Giengen : « Dimanche le « contrôle » est venu à la baraque en la personne d’un adjudant Allemand – Il y a eu fouille en règle, tout a été retourné et naturellement cela a pris pas mal de temps – Je suis donc allé à midi ½ au lieu de 11H ½ chez ma charmante patronne et naturellement je me suis fait recevoir par une « engueulade » en règle. Cette douce créature voulait que je fasse le travail à l’étable avant de manger – J’ai naturellement refusé et comme elle ne voulait pas me donner à manger je suis tout simplement retourné chercher l’adjudant Allemand pour la calmer un peu !! – La scène fut épique.....ma patronne au garde à vous encaissant un copieux savon (sans carte celui-là)... J’en ris encore. Maintenant elle est plus calme avec moi mais le naturel ne s’en va pas comme cela et c’est le vieux* qui encaisse toutes ses sautes d’humeur – Hier lorsque je lui ai dis que j’étais malade, j’ai encore failli me faire incendier mais elle s’est retenue et m’a simplement dit que cela ne faisait rien si j’étais malade et qu’il fallait tout de même que je travaille car elle avait encore une voiture de regain à rentrer (ici il faut être malade quand le travail est fini !!). Malgré ses conseils je suis rentré à la baraque ». 

Mon père écrivit le récit de ces différentes altercations dans son journal intime. Ma mère ne fut jamais au courant des problèmes qu'il rencontrait, la séparation était assez difficile à vivre et connaissant son tact je me doute qu'il ne voulait pas alarmer plus son épouse.

* « Le vieux » était soit son père soit son beau-père, que mon père décrivit dans une lettre comme « un petit vieux bien propre et bien gentil »




Relations with his third boss, Johanna, were sometimes very tense. As I have already told you, one Sunday Johanna told my father to go to work in the field in the afternoon and my father refused. This first incident was only the premise of those who regularly arrived: "My life with my new boss is much more hectic than before and I have to talk and even scream almost every night to get back to the barracks at the prescribed time. Before last night she sent me to pick potatoes at 8 o'clock in the evening and I didn't come home until 10 o'clock. I made her understand... in my way that it was not to my taste at all and as last night when she came home she still wanted me to clean the pig barn, I refused outright and came to wash my hands and wait for coffee like every evening. Naturally she threatened me with every possible disaster imaginable, but as I told her I didn't care, she didn't insist and served me coffee - It bothers me to always have to talk and argue but you also know that I'm very stubborn and as I decided to come home on time at night (15 hours of work a day is enough) I'll hold my ground until the end".

"This week I had another big discussion with my boss about work - One morning, without knowing what I had done as a job she started screaming that I had been too long to mow and that she was going to complain to the guard - I answered calmly and then....a little more......violently that I was doing what I could, that she could say anything she wanted to the guard and that if she wasn't happy I wouldn't go mowing anymore - then we went to see my work and she had to face the fact that I hadn't had any fun - I made her tell me that I had worked enough, and she was very upset and I told her again that if she "shouted" again like that, I wouldn't go mowing anymore and that she would do it alone - I'm tired of this life of convict and I'm waiting with how much impatience for the return to a more normal life"

"The tension between me and my boss has eased slightly but it's not yet "true love" and I told her last week that if I had a woman as upset as she was, I would beat her up to give her a good correction or I would put a bucket of cold water in her face - it made the guard laugh (...) but she only laughed yellow and told me that I was "vielschlecht" “(Very bad)".

The last altercation they had occurred some time before my father was transferred to another kommando in Giengen: "Sunday the "control" came to the barracks in the person of a German adjutant - There was a proper search, everything was searched, everything was returned and of course it took quite a while - so I went at noon ½ instead of 11:00 ½ to my charming boss and of course I was received by a "dispute" in order. This sweet creature wanted me to do the work in the stable before eating - I naturally refused and as she didn't want to feed me, I just went back for the German adjutant to calm her down a little! - The scene was epic......... my boss at the guard to cash you a copious soap (without card that one)... I'm still laughing at it. Now she is calmer with me but the natural does not go away like that and it is the old* who takes all his mood swings - Yesterday when I told her I was sick, I almost got me burned again but she held back and simply told me that it didn't matter if I was sick and that I still had to work because she still had a car back home (here you have to be sick when the work is done!!). Despite his advice, I went back to the barracks”.

My father wrote the account of these various altercations in his diary. My mother was never aware of the problems he was facing, the separation was quite difficult to live with and knowing his tact I suspect that he did not want to alarm his wife any more.

* "The old man" was either Johana’s father or stepfather, whom my father described in a letter as "a clean and nice little old man"



Johanna Bissingen aoùt1941
Johanna août 1941 Bissingen

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